Le Tirailleur Républicain

L'ouvrage dont le Tirailleur va vous dire deux mots aujourd'hui est un essai sur l'antisémitisme nazi intitullé Ressentiment et Apocalypse, publié au éditions Seuil en 2004 par Philippe Burrin, historien spécialiste du nazisme. Il enseigne à l'Institut de hautes études internationales à Genève.

Ce livre est vraiment remarquable car il tente de faire un condensé non-partisan des différentes historiographies sur le nazisme et l'antisémistisme nazi (conciler Goldhagen, Browing, Bartov et Hildeberg...).

Voici la quatrième de couverture :

« De grandes tragédies peuvent-elles avoir des causes simples? Elles suscitent du moins des questions simples, comme si l'ampleur écrasante d'un événement appelait une explication taillée d'un bloc. Ces questions, il faut les affronter, en particulier quand elles portent sur le génocide des juifs d'Europe, une tragédie, s'il en fut une, où se trouva mise en cause notre civilisation. Pourquoi l'Allemagne fut-elle le lieu de la tragédie, alors que l'aversion et l'hostilité envers les juifs étaient répandues dans toute l'Europe ? Pourquoi le préjugé antijuif est-il devenu, après 1933, une sorte de norme dela société allemande, permettant au régime nazi de mener sa politique sans rencontrer d'obstacles sérieux ? Et pourquoi est-on allé jusqu'au massacre, alors que d'autres solutions étaient envisageables et furent appliquées ou examinées, d'un système d'apartheid à l'émigrtion forcée, ou à la concentration sur un territoire excentré ? ».

Arrêtons-nous à présent sur les moments les plus marquants, voici mon résumé.

Intoduction

Philippe Burrin conteste tout d'abord la thèse brutale de Godhagen selon laquelle l'Allemagne avait fait de l'élimination des juifs un « projet national », ou critiquant l'existence d'une « mentalité allemande » expliquant les crimes de guerre de 14-18...Il nuance ! Dans le même ordre d'idée il affirme que les allemands devinrent antisémites comme jamais après 1933, mais ne peut accepter le fait que cet antisémitisme se soit « révélé ». Non il est apparu...sur un terreau favorable. Enfin il indique que cet essai est le fruit de travaux réalisés pour différents colloques.

1/ Pourquoi l'Allemagne ?

«  A l'évidence, l'antisémitisme est loin d'avoir été une spécialité et, à plus forte raison, une exclusivité allemande ».

Pour Philippe Burin, la racisme est un moyen d'affirmation identitaire, ce qui explique pourquoi il a réussi. De plus, il distigue trois raisons-caractéristiques qui expliquent en partie la judéophobie : le fait que le peuple juif s'identifie à une religion, le fait que le christianisme soit un concurent monothéiste-filial, enfin la réalité de la Diaspora juive qui expliquera pour beaucoup l'absence d'assises territoriales, donc de paysans, ce qui « engendrera une assymétrie socio-économique par rapport aux sociétés d'Europe », en plus des contraintes professionnelles auxquelles les juifs furent astreints... Dans le même ordre d'idée, les boulversements dues à la Révolution Industrielles augmentèrent les clivages, puisque de par leurs professions, ces derniers ont pu profiter les premiers de la modernisation économique.

Il enfonce le clou en montrant l'existence d'un « antisémitisme moderne » qui se fonderait sur trois formes d'identité collective basé sur la religion, la nation et la race. Les juifs servaient dès lors de référence négatives à une définition identitaire !

Mais il est vrai que l'Allemagne recelait un terreau favorable au développement d'un antisémitisme particulier. Il met en exergue l'importance du sentiment religieux, au travers du besoins impéreux d'un renouvellement spirituel, de nouvelles attentes. Il fallait épurer le christianisme de ses origines judaïques. De plus, le pangermanisme favorisait la réapparition du panthéisme germanique, alternative au christianisme. Enfin, il met en exergue l'importance de la culture autoritaire de la société allemande.

« Une Allemagne saisie par une crise identitaire : c'est le constat qui paraît s'imposer ».

2/ Judéophobie et identité nazie

Il pose le problème du « cheminement » qui amena finalement à Auschwitz.

Philippe Burrin parle en priorité de l'idéologie hitlerienne, et de sa vision « cosmique, macro-historique » du monde. Il souligne la primauté absolue du politique pour Hitler. Enfin il montre que Hitler construit un rapport antagoniste-radical entre l'identité aryenne et les juifs. Il induit la notion d'apocalysme, mais dépourvu de réfférences divines et eschatologiques : c'est un combat séculier, révolutionnaire ! C'est donc un antisémitisme « raciste-apocalyptique » ! Il faut éliminer une maladie (en reprennant les termes médicaux d'Hitler qui parlait d'infection !!!). Les trois valeurs essentielles a retirer de cette idéologie sont : santé, puissance et culture, interprétées dans une perspectives raciste. Il conclu ce chapitre en affirmant que si il y a bien eu « intériorisation » de ces termes par le peuple allemand, il ne faut exagérer ce degré d'intériorisation.

3/ Apocalypse et ressentiment

« Être allemand, c'est être antisémite ».

Philippe Burin prends pour point de départ le discours d'Hitler du 30 anvier 1939, où ce dernier affirmait : « Aujourd'hui, je serai encore prophète : si la finance juive internationale en Europe et hors d'Europe réussit de nouveau à précipiter les peuples dans une guerre mondiale, le résultat n'en sera pas la bolchévisation de la terre et la victoire du judaïsme, mais bien l'extermination de la race juive en Europe ! ».

L'auteur s'arrête sur ce rôle de « prophète » en qui révêle trois fonctions : la première est tactique, la seconde est statutaire, la troisième est pédagogique. De plus Hitler encourageait « la formation d'une communauté de pensée et d'action, d'une communauté interprétative ».

« Apocalyspe et ressentiment : voilà ce qui peut se déchifrer dans la déclaration de janvier 1939. Si elle était demeurée isolée et sans conséquence, on aurait pu la tenir pour les paroles d'un halluciné. Mais comme la suite le montra, elle exprimait une pensée cohérente, celle d'un homme au clair avec lui-même ».

Toutefois, l'auteur s'attache à préciser que cette politique ne visait aucunement directement une extemination, en d'autres termes, elle n'était ni programée, ni réfléchie (cf impressions de Himmler et de Goebbels peu après les premiers gazages)...

Il souligne également l'importance de la « Culture » pour Hitler, qui désirait « remplir le vide » laissé par le christianisme.

D'autre part, Philippe Burin met en valeur, non pas l'apprentissage de la violence qui a mené à l'extermination systématique, mais plutôt, « l'apprentissage du désintérêt » de la part de la société allemande. Il rappel que la population allemande a véritablement « désinvestit sa confiance » aux juifs durant ces années là (ceci est bien montré dans le Journal de Victor Klemperer...un jour sans doute commenté sur ce blog quand j'en aurai le courage...).

Il termine sur cette « culture du ressentiment » que Hitler su développer et promouvoir...

Conclusion

«  Tout était lié, même si les responsabilités des uns et des autres furent très différentes. La familiarité des préjugés antijuifs, l'intériorisation au moins superficielle de l'identité nazie, le sentiment de victimisation et l'acceptation ou l'attrait d'une violence extrême déguisée en jugement divin se coalisèrent pour faire sortir d'une interprétation fantasmagorique de la réalité un meurtre de masse qui reste singulier dans l'histoire du XXème siècle par les conditions de sa mise en oeuvre et les motifs qui l'inspirèrent. »

Au final, ce cours essai est extrêmement intérressant, en particulier pour parvenir à se détacher des thèses partisannes des chercheurs à la mode...Achetez-le ! Lisez-le ! Vous en avez pour 6 euros et 2h de lecture !!!