Le Tirailleur Républicain

Orages d'Acier de Ernst Junger

 

Le Tirailleur a entamé il y a quelques temps la lecture d'un des plus grand classique des « ouvrages-récits » de la Grande Guerre de 14 : Orages d'Acier de Ernst Junger.


Point n'est necessaire de vous faire la bio de l'individu, ainsi que les interprétations sur ce livre (inspiration majeure des nazis dans une certaine mesure...), vous les trouverez dans les pages Wikipedia...


Toutefois, perso, le Tirailleur a véritablement apprécié cette lecture, « épurée et poétique », où il est vrai qu'on ne sent pas de rancoeur à l'égard de la Guerre, pas de haine envers l'adversaire, on peut même dire qu'à certains moment, si l'on ne peut parler de fascination pour la Guerre...on peut néanmons déceler que cette dernière produit des effets hypnotiques sur le jeune Junger (bléssé 14 fois !!!...voire sa bio dans Wikipedia).


C'est un récit indispensable, à lier avec les autres grands classiques du genre (Croix de Feu, Louis Barthas, Barbusse, Remarque...).



Il vous livre ici le passage me plus poignant, qui se situe vers la fin du livre. Malheureusement, on ne pouvait pas transcrire le chapitre entier, mais voici une bonne part du début...(entrecoupés de passages explicatif du Tirailleur...)





LA GRANDE BATAILLE


Le bataillon fut logé au château de Brunemont. Nous apprîmes que nous devions avancer dans la nuit du 19 mars, pour prendre nos positions de départ, des abris creusés dans le champs d'entonnoirs, auprès de Cagnicourt, et que le jour J de la grande offensive était le 21 mars 1918 au matin. Le régiment avait mission de percer entre les villages d'Ecoust Saint-Mein et de Noreuil, et d'avancer le premier kour jusqu'à Mory. Ce secteur avait fait partie de nos arrières, lors des combats de position devant Monchy; il nous était donc familier.

Je détachai en éclaireur le lieutenant Scmidt, que nous n'appelions jamais autrement que « le petit Schmidt », à cause de sa gentillesse; il devait réserver des quartiers à la compagnie.

A l'heure dite, nous sortîmes de Brunemont. Près d'un carrefour où nos groupes de guides, les compagnies se séparèrent pour progresser en éventail. Quand nous fûmes à la hauteur de la seconde ligne, où nous devions nous installer, il s'avéra que nos guides s'étaient égarés. Commencèrent alors des zigzags dans le champs d'entonnoirs (trous d'obus) faiblements éclairés, au sol détrempé, et des questions à d'autres groupes, tout aussi peu renseignés. Pour ne pas épuiser complètement mes hommes, je commandais la halte et envoyai les guides dans diverses directions.

Les groupes formèrent des faisceaux et se tassèrent dans un énorme trou d'obus, tandis que je m'asseyais avec le lieutenant Sprenger au bord d'un plus petit, d'où l'on avait vue dans le grand cratère, comme d'un balcon. Depuis quelque temps déjà, les flammes d'éclatements isolés avaient jailli à quelque cent pas de nous. Un nouveau projectile tomba à moindre distance; les éclats fouettèrent les parois d'argile. Un homme se mit à crier, affirmant être bléssé au pied. Tout en tâtant sa botte boueuse pou retrouver le trou d'entrée, j'invitai les groupes à s'égailler entre les entonnoirs voisins, et ils s'y préparèrent.

A ce moment, voici qu'un nouveau sifflement retentit haut en l'air : chacun sentit, la gorge serrée : celui-là, c'est pour nous. Puis un fracas énorme, assourdissant – l'obus s'était abattu juste au milieu de nous.

A demi assomé, je me relevai. Dans le grand entonnoir, des bandes de cartouches de mtrailleuses, lançaient une lumière d'un rose cru. Elle éclairait la fumée pesante où se tordait une masse de corps noircis, et les ombres des survivants qui s'enfuyaient dans toutes les directions. En même temps, de nombreux et atroces cris de souffrance et des appels à l'aide s'élevèrent.

Cette rotation de la masse sombre, au fond du chaudron fumant, ouvrit durant une seconde, comme une vision d'un cauchemar infernal, le plsu profond abîme de l'épouvante.

Après un instant où je restai paralysé, comme figé par l'horreur, je me levai d'un bond et courrus à travers la nuit. C'est seulement dans un trou d'obus où j'étais tombé que je saisis ce qui venait de se passer. Ne plus rien entendre, ne plus rien voir !Seulement fuir d'ici, jusqu'au fond de l'obscurité ! Mais à quoi bon ? Il fallait bien m'occuper d'eux, c'est à moi qu'ils étaient confiés. J'entendis l'autre voix : « C'est toi qui es le chef de compagnie ! » et me contraignis à revenir vers cette scène d'horreur. Je rencontrai en chemin le fusilier Haller, qui s'était emparé de la mitrailleuse près de Regniéville, et l'emmenai.

Les bléssés poussaient encore leurs cris affreux. Quelques-uns se traînèrent vers moi sur le ventre et gémirent, lorsqu'ils reconnurent ma voix : « Mon lieutenant ! Mon lieutenant ! L'un des bleus que je préférais, Jasinski, à qui un éclat avait fracassé la cuisse, se cramponait à mes jambes. Maudissant mon impuissance à porter secours, je lui tapai sur l'épaule, désemparé. De tels moment se gravent en vous.

Je fus obligé de remettre le soin des malheureux au seul brancardier survivant, pour conduire hors de la zone de danger ma petite troupe qui s'était rassemblée autour de moi. Moi qui, une demi-heure auparavant, étais encore à la tête d'une compagnie sur le pied de guerre, j'éerrais maintenant avec quelques hommes complètement abattus à travers le lacis des tranchées. Un gosse qui, quelques jours auparavant, sous les brocards de ses camarades, avait pleuré à l'exercice, à cause des caisses de munitions, trop pesantes pour lui, traînait fidèlement ce fardeau qu'il avait sauvé de l'horrible scène, tout le long de notre cruel chemin. Ce trait me boulversa. Je me jetai à terre et éclatai en sanglots convulsifs, tandis que les hommes m'entourraient l'ait sombre.


Le Lieutenant Junger se reprit très vite, et remit de l'ordre dans sa troupe rescapée...avant de se rendre sur les lieux de l'attaque...qui ne tardât point :


Un rideau flamboyant monta en l'air, suivi d'un rugissement soudain, tel que nous n'en avions jamais entendu. Un tonnerre à rendre fou, qui engloutissait dans son roulement jusqu'aux coups de départ des plus grosses pièces, fit trembler le sol. Le grondement mortel des innombrables canons, derrière nous, était si terrible que même les pires batailles que nous avions subies nous semblaient en comparaison un jeu d'enfant. Ce que nous avions osé espérer se produisit : l'artillerie ennemie se tut; elle avait été annihilée d'un seul coup gigantesque. Nous ne tînmes plus dans nos abris : debout sur les défenses, nous contemplâmes, ébérlués, le mur de feu haut comme une tour, dressé sur le stranchées anglaises, et qui se voilait de nuées ondoyantes, rouges comme du sang.


Puis ce furent les gaz et les lances-mines qui entrèrent en action...juste avant l'assaut !


A neuf heure dix, les patroiulles d'officiers chargées de surveiller le déroulement de l'opération quittèrent la tranchée. Comme les deux positions étaient à plus de huit cent mètres l'une de l'autre, nous devions nous rassembler, avant même que la préparation d'artillerie eût pris fin, et nous planquer aux aguets dans le no man's land, de manière à pouvoir sauter à neuf heures quarante dans la première ligne des ennemis. Srenger et moi escaladâmes donc le parapet quelques minutes plus tard, suivis des hommes.

« On va leur montrer maintenant de quoi la 7è est capable ! - Maintenant,je me fiche de tout ! - Vengeance pour la 7è ! - Vengeance pour le capitain von Brixen ! » Nous sortîmes nos pistolets et franchîmes nos barbelés, à travers lesquels les premiers blessés se traînnaient déjà vers l'arrière.

Je regardai à droite et à gauche. La ligne de partage de deux peuples offrait un singulier spectacle. Dans les trous de marmite, devant la tranchée ennemie, que fouissait à chaque moment la tourmente de feu, sur un front qui se prolongeait à perte de vue, massés par compagnies, les bataillons de choc attendaient. A la vue de ces masses accumulées, la percée me parut chose faite. Mais trouverions-nous en nous la force de disperser les réserves adverses, de les isoler pour les détruire ? J'en avais la conviction. Le combat final, l'ultime assaut semblait venu. Ici le destin de peuples entiers était jeté dans la balance; il s'agissait de l'avenir du monde. J'avais, bien que par la seule intuition, conscience de la gravité de l'heure, et je crois que chacun sentit à ce moment-là fondre tout ce qui en lui était personnel, et que la crainte sortit de lui.


La suite de cet assaut incroyable...dans le livre, et je vous garantit que cela vaut le coup de le lire...ne serait-ce que ce chapitre là !!!


Bonne lecture !





16/06/2007
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