Les oubliés du Dakar hexagonal
En cette période « hivernale », nous pouvons chaque année admirer ces grands aventuriers, qui début janvier, tel de nouveaux Phileas Fogg, se lancent dans de terribles expéditions à travers les dunes africaines, à la recherche du frisson que leur procure ce sentiment de vulnérabilité se manisfestant chez eux une fois confrontés à la nature sauvage...ou ce qu'il en reste. Toutefois laissons donc ces 500 connards là où ils se trouvent pour l'instant.
Il s'agit ici d'autres coureurs de fond. Ceux dont on ne parle pas, les Vatanen du pauvre, les Sainz informels, les Schlesser inconnus, ceux qui ne roulent pas en Mitsu ni en Kawa, ceux qui ne bénéficient d'aucuns sponsorts et qui pourtant sont tenus chaques jours de faire leur étape. Oui, il s'agit bien de nous, de vous, les membres d'une grande confrérie qui va bientôt dépassé celle des Francs-Maçons en nombre et en revendications pour un monde meilleur...il s'agit bien entendu des TZR!
Leur statut est en train de se précariser davantage, mais ce n'est pas sur cela que le Tirailleur veut pointer sa baïonnette. Plutôt, il faudrait mettre en exergue ici les incohérances kilométriques du système mis en place par l'Education Nationale pour gérer ses bien aimés TZR.
Prenant l'exemple de votre serviteur. Rattaché à un établissement qui se trouve à plus de 50 km de son 1er lieu de travail, il doit également faire 25km de plus pour se rendre à son second lieu de travail, l'après-midi (heureusement). Si l'on fait le calcul, votre serviteur devrait faire 150km par jour pour aller travailler. Si l'on ramène ce chiffre à une semaine, soit quatre jours, cela fait plus de 600km par semaine. Bien heureusement cette distance est réduite à 500km, le Tirailleur ayant eu la chance d'habiter entre son établissement de rattachement et « ses » lieux de travail (ça commence à se compliquer). Enfin tout de même cela fait une belle étape quotidienne à se taper!
En outre, ce que l'on oubli bien souvent, c'est le temps! Oui le temps que l'on perds dans sa coche à lutter contre la fatigue qui vous tiraille à 17h ou contre le someil qui ne veut pas vous lâcher à 7h! C'est le temps qu'il faut décompter sur ses périodes de repos. C'est le temps que l'on passe sur les routes emplies de ces maudits camions agricoles qui vous rendent la vie impossible quand vous devez faire des photocopies le matin à 8h et que vous êtes en retard à cause du brouillard. C'est donc aussi le temps que l'on passe à risquer sa pauvre peau d'enseignant débutant à arpenter les routes sinueuses, pluvieuses et venteuses des régions accueillantes où la Bonne Mère Education Nationale nous a envoyé. J'ai calculé ce temps qui ne sert à rien, ce temps qui coûte environ 8h par semaine. Biensûr ne parlons pas du temps qui est attribué au Tiralleur pour se repaître à midi, il n'existe pas!
Mais ce n'est pas tout, les abérrations de notre fier ministère ne mettent pas seulement les TZR dans une situation difficile, vous aussi, vous aller comprendre... . Et oui le système des TZR a un coût. Pour nous tout d'abord, le Tirailleur a environ calculer que 15% de sa paye de jeune prof passe en frais d'essence. J'entend d'ici les récriminations volubiles de tous ceux qui doivent eux aussi faire « du chemin » pour aller travailler. Mais attendez, le Tirailleur ne râle pas, il constate simplement qu'en plus de la distance « légale » qui doit séparer son domicile de son lieu de rattachement administratif, on lui demande de surcroît de parcourir une zone qui peut aller jusqu'à s'étendre à tout un département, voire plus! Enfin ce n'est pas là que le Tirailleur veut en venir. Parlons plus précisément du coût financier des TZR. Car oui, bien heureusement nous touchons (entre 3 et 8 mois après la bataille) des indemnitées. Ces indemnitées sont en général assez avantageuses, voire très élevées. Nous devrions donc nous sentir rassasiés. Cependant qui paye la note ?
Ce sont les contribuables qui permettent au Mamouth de continuer à vivoter anarchiquement, car oui à ce niveau là, pour travestir l'analyse de Marx qui prédisait que la forme aboutie du capitalisme serait le communisme, on peut dire aujourd'hui que la forme aboutie du bureaucratisme étatique qui sévit dans notre pays s'apparente maintenant à l'anarchie !!! En effet les anomalies structurales de l'Education Nationale non seulement nous rendent l'exercice de notre métier plus difficile à nous enseignants, mais aussi à vous tous, y compris nos petits bambins en culottes courtes.
Les exemples de disfonctionnement sont légions, divers et variés et il serait inutile, long et ennuyeux d'en énumérer davantage. Quoiqu'il en soit, à l'heure où les anciens skieurs trouvent pour la plupart des stages de reconversion comme pilote de Nissan dans l'oued mauritanien, le Tirailleur est certain que d'ici la fin de l'année il aura parcuru au moins deux fois la distance d'un Dakar!