Le Tirailleur Républicain

La Grande Guerre expliquée aux CRS

article de Liberation :



La Grande Guerre expliquée aux CRS


Vendredi, des enseignants grévistes de la Sorbonne ont tenté de donner un cours en plein air sous l'Arc de triomphe. Cours entrecoupé par les interventions de la police.



CORDÉLIA BONAL

(DR)


La pluie, le vent, les voitures... Depuis trois semaines, les enseignants grévistes de la Sorbonne rencontrent nombre de petits désagréments pour tenir les cours «hors les murs» qui caractérisent leur «grève active». Mais faire un cours sur la Grande Guerre devant un cordon entier de CRS, c'est une première.


 
La scène se passe vendredi, sous l'Arc de triomphe à Paris.
Dans le cadre d'un cycle de visites-conférences sur les lieux historiques de la capitale, trois enseignants de Paris I ont prévu de donner un cours en plein air, ouvert à tous, étudiants ou non. Sujet du jour: le Paris de la Grande Guerre. L'initiative relève du cours classique mais aussi de l'acte militant, annoncé sur le blog «grève active à la Sorbonne», qui coordonne la mobilisation au jour le jour. L'objectif est double: dispenser des cours d'une autre manière et gagner en visibilité.



Mais ce matin-là, quand ils s'approchent avec une petite trentaine d'étudiants de la tombe du Soldat inconnu (sans banderoles et leurs tracs dûment rangés dans leurs besaces), ils sont accueillis «par deux fourgons de CRS et des policiers en civil», rapportent les enseignants.


«Donc, 300.000 soldats disparus»



Nicolas Offenstadt, spécialiste de la Grande Guerre, a à peine le temps d'entamer son introduction sur «Paris et sa population au début du XXe siècle» que, explique-t-il, la petite troupe est poussée manu militari dans les escaliers menant au tunnel.


Aucun coup n'est porté mais la bousculade est brutale, comme le montrent les images tournées par TéléSorbonne. «Nous avons essayé d'expliquer posément aux policiers qu'il ne s'agissait pas d'une émeute mais d'un cours qui ne troublait en rien l'ordre public», raconte Nicolas Offenstadt.


A la préfecture, on justifie l'intervention de vendredi par le fait qu'«aucune manifestation n'est autorisée à cet endroit pour des raisons de sécurité et à cause de la solennité des lieux». «Le groupe a d'ailleurs pu continuer le cours un peu plus loin», ajoute-t-on.


De fait, le cours reprend sur les Champs-Elysées, sous l'œil impassible des policiers et celui nettement plus interloqué des touristes, qui profitent d'un exposé intitulé «Histoire et mémoire du soldat inconnu». «Donc, environ 300.000 soldats disparus, dont on n'a jamais retrouvé les corps», poursuit Nicolas Offenstadt. Puis, se tournant vers le cordon policier: «Ça ne devrait pas laisser insensibles les forces de l'ordre...». A ce stade, profs et étudiants ont sortis leurs brassards «Grève» et leurs tracts, précise l'enseignant.



Le temps de descendre l'avenue en discourant sur l'inscription de la Grande Guerre dans la toponymie, et voilà la troupe au pied de la statue de Clemenceau. Deux nouveaux fourgons de CRS sont sur les lieux, la tension monte à nouveau. «Les CRS nous ont encerclés tandis que les policiers écoutaient avec attention une analyse de la place de la statue de Clemenceau au sein de la statuaire parisienne», raconte mi-choqué mi-amusé Christian Chevandier, l'un des trois enseignants.


«Complètement disproportionné»



Après une heure et demie de ce petit jeu, l'assistance est autorisée à se rendre par petits groupes aux Invalides, l'étape suivante.


Au final, enseignants et étudiants retiennent une belle démonstration de force, un cours écourté — les chapitres «Paris bombardé, 1914-1918» et «Les usines de Paris pendant la Grande Guerre» ont été sacrifiés dans le feu de l'action — et la franche impression d'un durcissement dans le traitement de la mobilisation des enseignants-chercheurs.


«Nous avons été dissous par pur principe. Nous étions calmes, nous n'avions aucun matériel», dénonce Nicolas Offenstadt, qui relève le «caractère complètement disproportionné» et la «volonté répressive évidente» de l'opération. Christian Chevandier, lui, note l'attitude «pas très à l'aise» des policiers et se félicite d'avoir pu malgré tout mener à bien la conférence.


17/03/2009
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