Le Tirailleur Républicain

"Demain, vous serez soldats"

Un petit spot télé et c'est partit pour l'action...perso je trouve cette pub too much, décicément avec Sarko tout change. On passe de la pub vantant les missions de maintien de la paix, au cliché du beau goss qui se la pète en moto autant qu'en intervention musclé dans un théâtre des opération qui ressemble à l'Afghanistan...

Chouette, Amérique quand tu nous tiens par les couilles...

Mais puré est-on obligé de copier tout ce qui viens d'outre Atlantique ? Bientôt les études seront payées pour ceux qui s'engagent...

On peut être pour l'intervention en Afghanistan, et contre la décérébralisation !

 

ARMéE DE TERRE
Vidéo envoyée par captain_udon

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La suite est un article du Monde :

 

Les lustres brillent presque trop à côté de leurs silhouettes chaloupées. Il y a du parquet ciré, un service argenté et des petits gâteaux sucrés. Eux ont entre 18 et 25 ans, des baskets blanches tendance aux pieds, un sourire anxieux et encore quelques boutons d'acné. Aujourd'hui, c'est le grand jour. Ils signent leur contrat de trois ou cinq ans avec l'armée. L'administration militaire a tout préparé. Et la plupart en ont rêvé.

Ils sont 28 au départ, dans la grande salle de réception de la mairie de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, en ce début septembre. Jusqu'au dernier moment, le capitaine Patrick Beduneau, en charge de ce centre d'information et de recrutement des forces armées (Cirfa), a cru qu'il y aurait des défections. Il craignait que la mort de dix soldats français en Afghanistan, le 18 août, n'ait dissuadé les plus hésitants. Après le décès de neuf militaires en 2004 à Bouaké, en Côte d'Ivoire, les recruteurs avaient constaté un léger "creux". Rien de tel cette fois.

Certaines mères ont bien versé quelques larmes, au petit matin, en accompagnant leur fille ou leur garçon. Mais finalement, tous sont venus. "Dans quelques minutes vous serez soldats !", martèle le capitaine. Et aux grands enfants qu'ils sont encore, sagement assis en rang, sacoche en bandoulière, il rappelle les dernières consignes : "Appelez la famille quand vous arriverez, écrivez-leur régulièrement." "Ne gaspillez pas votre solde, mettez de l'argent de côté..."

Les risques du métier, la mort, tous acceptent d'en parler ce matin sous les tapisseries et les moulures, mais un peu agacés. "On n'est pas venus pour s'engager chez les majorettes", clame l'un. "C'est pas un problème, je suis débrouillard !", assure aussi Nourdine, 24 ans, bientôt promis au poste de sapeur de combat - franchissement de cours d'eau, déminage... Dans quelques minutes, à lui comme aux autres, on remettra un billet de train. Il récupérera son baluchon. Un photographe prendra une dernière photo de lui en civil sur le perron. Et puis il partira, directement, vers son régiment d'affectation. D'ici un an, il sera régulièrement "projetable" en "opération extérieure" (OPEX), au Tchad, en Afghanistan ou ailleurs...

Des cérémonies comme celle-ci, il y en a tous les deux mois à Saint-Denis, et partout en France. Depuis la fin de la conscription en 2001, plus de 20 000 jeunes Français sont recrutés chaque année, dont plus de 15 000 dans l'armée de terre. Pratiquement autant que dans l'éducation nationale. Parmi eux, entre 11 % et 13 % de femmes. "Une bonne armée ce n'est pas une armée de quadras", soutient le général de division à la retraite Emmanuel de Ricchoufftz. A l'instar des GI américains en Irak, les candidats à l'engagement sont jeunes, très jeunes. Limite d'âge : 29 ans.

Les recruteurs ne le cachent pas, ils ont un "coeur de cible" : les "sans-diplômes", les titulaires de CAP, de BEP. Les bacheliers ne représentent que 20 % des volontaires et des admis, les bac + 5, 10 %. Parmi les plus gros "pourvoyeurs" : l'Ile-de-France et ses banlieues - presque 15 % des effectifs en 2006. Vient ensuite le Nord-Est de la France, avec plus de 25 % des jeunes recrutés.

Dans ses centres de recrutement, l'armée "vend" - le mot est assumé - une "carrière", des valeurs - "pas de racisme" -, des responsabilités que "vous n'auriez pas dans le privé". Et puis surtout "ses 400 métiers" : mécanicien, brancardier, logisticien... Les risques sont considérés comme des "accidents", chiffres officiels à l'appui : 211 décès depuis 1991 sur les 850 000 soldats partis en "OPEX", soit 0,024 %.

Mais "les jeunes ont plein de clichés", note le capitaine Beduneau. Partout, en banlieue comme à Versailles, les régiments de parachutistes, les postes de tireurs d'élite, sont parmi les plus prisés. "Quand on dit qu'on ne peut pas avoir que des combattants et qu'on préférerait les embaucher comme cuistot parce qu'on en manque, ils sont très déçus", explique l'un de ses adjoints, l'adjudant Boussad Sahi.

Un tiers des volontaires sur le départ ce jour-là à Saint-Denis a opté pour un poste de "combattant" : infanterie, déminage... Parmi eux, Gary et Yann, 19 et 20 ans. Bientôt au 57e régiment d'artillerie de Bitche (Moselle) pour apprendre à devenir tireurs de missiles "sol-air". Gary, boulanger de formation, d'origine guyanaise, et domicilié à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), explique qu'"au bout d'un moment, boulanger c'est toujours la même chose". Yann, mi-Mauricien, mi-Guadeloupéen, titulaire d'un BEP de comptabilité, originaire de Sarcelles (Val-d'Oise), résume à sa façon : "Moi, la discipline, ça m'intéresse. Je sais que ça va être dur, mais mes potes m'ont dit : "Toi t'es un guerrier, tu vas revenir en entier !""

A la direction du personnel, on tient à souligner "qu'on n'embauche pas n'importe qui". Ni les "esprits trop sensibles" ni les "fous de la gâchette". Avant les honneurs du départ, le parquet ciré et les petits fours, il y a une sélection à braver : tests physiques, psychologiques, psychotechniques... Chaque année, pour les militaires du rang, l'échelon de base de la hiérarchie militaire, plus d'un dossier sur deux est rejeté.

C'est dans les Cirfa, les centres de recrutement, que la sélection commence. Des sortes de boutiques aux vitrines atypiques où, entre des rangées de prospectus aux slogans courageux - "Change ta vie !", "Un métier exaltant !" - et des mannequins en uniforme, défile toute une jeunesse en quête d'avenir. Souvent avec les parents. "Ce sont eux qui nous demandent si c'est dangereux", raconte l'adjudant-chef Thierry Hidot.

Des Cirfa, il y en a 110, répartis dans toute la France, environ un par département. Mais l'Essonne en a trois, la Seine-Saint-Denis quatre : les quartiers difficiles sont susceptibles d'amener de nombreux candidats. "Cela fait dix ans que nous recrutons dans les banlieues, explique le général de brigade Philippe Pontiès, le grand patron du recrutement, l'armée est un employeur comme un autre, qui doit se positionner car il est en concurrence avec d'autres entreprises." Mais les jeunes des banlieues ont souvent un handicap : leur "carnet de chansons", comme disent les recruteurs. En fait, leur casier judiciaire. Une condamnation supérieure à trois mois de prison avec sursis est rédhibitoire. Une lettre au procureur permet parfois d'arranger les choses, sinon seule la Légion étrangère peut servir de repli.

Ibrahim, 23 ans, musulman d'origine ivoirienne, postule à Paris. Arrivé en France à l'âge de 14 ans, il n'attend qu'une chose, s'engager, comme logisticien. Après quelques "bêtises" et un passage par les centres "deuxième chance", il a un temps travaillé comme "manageur" chez KFC. Mais, aujourd'hui, il rêve d'une plus grande "carrière". "Mes copains pensent que je suis fou, raconte-t-il. Ils croient encore que c'est l'armée de la seconde guerre mondiale, mais aujourd'hui il y a des rations de combat sans porc pour les musulmans." La perspective de se battre en Côte d'Ivoire, ou contre des musulmans en Afghanistan ou ailleurs, ne lui cause pas d'états d'âme particuliers. Il est fasciné par les grands hommes - Churchill, Napoléon. Il serait "très fier" de porter l'uniforme du pays qui l'a "accueilli". Et puis il a une envie : combattre le "terrorisme".

Il y a de tout, parmi les volontaires. Ceux qui ont un projet bien ficelé, comme Anne-Sophie, 18 ans et demi et "passionnée de cheval". Elle veut intégrer un régiment équestre. Son père, chercheur au CNRS, et sa mère, préparatrice en pharmacie, sont un peu désespérés. Elle a un an d'avance, une année de fac d'éco-gestion derrière elle, mais s'apprête à partir pour une semaine de stage militaire à Fontainebleau. Il y a ceux comme Pierre-Yves, 24 ans, qui passe au Cirfa de Versailles dans la foulée d'une visite à l'ANPE. Veste sombre, chemise blanche, mocassins, il est titulaire d'un BTS et d'une licence de commerce international. Papa est ingénieur, maman magistrate. Pour ses copains, comme il aime "la rigueur", l'armée "lui correspondrait bien". Et pour lui, "l'oisiveté est la première des folies", alors le voilà.

Tristan, 18 ans, originaire de Maurepas (Yvelines), rêve d'être pompier de Paris. Il est en bonne voie pour réussir la sélection. Bac technologique en poche, ce fils de prof raconte son premier entretien collectif, celui qui permet aux recruteurs de tester la sensibilité des jeunes postulants. Après leur avoir montré des vidéos de combats, le gradé a dessiné un tableau avec deux colonnes. Une pour les avantages du "métier de soldat", une pour les inconvénients. Au bas de la colonne des inconvénients, il a fini par écrire : "Don ultime de soi." "Vous savez ce que ça veut dire ?", a-t-il alors interrogé. Tristan se souvient : "Personne n'a su répondre."

Elise Vincent

 



14/09/2008
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