Le Tirailleur Républicain

Apocalypto, ou Enfers et Paradis de Mel Gibson

 

La première des choses que l'on ai envie de faire lorsque l'on entends qu'il ne faut surtout pas aller voir tel ou tel film, c'est d'y aller. Le Tirailleur ne déroge pas à la règle. L'énorme buzz médiatique qui a accompagné la sortie de ce film en France (et dans le monde), les qualificatifs de "boucherie sans nom", de film gore et anti-historique ont de suite attiré l'attention du Tiraillleur. Et puis, la personnalité contreversée de son réalisateur, Mel Gibson, et toutes les casseroles que ce dernier traînne avec lui depuis quelques temps, n'ont fait qu'atiser l'impatience de votre serviteur dont le mot d'ordre pourrait être de ne pas se laisser dicter sa pensée par les autres. Il fallait donc aller voir ce "navet" pour se rendre compte de l'ampleur des dégâts, et puis 1 euros de plus ou de moins dans la poche de William Wallace ce n'est pas grave!


Débutons par les cotés positifs !

Le réalisateur visiblement mégalo, a le mérite de faire la part belle à l'authenticité dans ses films, ou dumoins à "sa vision" de l'authenticité. Ainsi il ne déroge pas à la règle ici, avec de très belles reconstitutions historiques de la civilisation Maya, disparu presque totalemnt au 16° siècle, peu après l'arrivée des espagnols (même si cette civilisation battait de l'aile depuis quelques siècles). Le film est tournée en Yucatèque, un dialectque encore parlé dans certaines zones du Mexique. Les diverses critiques des historiens sur les réalités sanguinaires des sacrifices humains, les confusions entre Mayas et Azteques sont réelles, mais après tout personne ne connaît ces civilisations, alors ce n'est déjà pas si mal.

Surtout ce qui frappe dans ce film, c'est son esthétisme, la majesté de la photo et la grandiosité des décors. On pourrait presque aller jusqu'à dire que l'acteur principal de ce film est la nature, tant le réalisateur met en valeur les beautés de Mère Nature, mais aussi ses dangers... . Pour cela il a été aidé par la toute dernière née des caméra haute défénition de chez Pannavision, baptisé nous dit-on "Genesis" (comment voulez-vous garder les pieds sur terre après vous être servi d'un engin portant un tel nom!). On ne le répêtera jamais assez, et tous y compris ses détracteurs le reconnaisent, la réussite majeure de ce film réside dans la majestuosité de son image, de sa lumière qui inonde les personnages et colore leurs actions et les sentiments qu'ils dégagent.

C'est ainsi que l'on peut également louer les acteurs de ce film, pour la plupart inconnus. A peine reconnait-on un des indiens du Nouveau Monde de Terence Malick. Quoiqu'il en soit, eux aussi fleurent bon "l'authenticité" rêvé par le père Gibson. Même si l'on dit qu'il s'est beaucoup inspiré de nombreuses scènes de films cultes, si forcément l'on est tenté de penser de suite au Dernier des Mohicans de Mickael Mann, Gibson réussi tout de même à faire du neuf avec des classiques. Ainsi, pour ce qui est des longues courses au travers de la jungle qui evoquent celles de Longue Carabine, le réalisateur filme de manière à être bien plus centré sur le personnage, ses interractions avec la nature et ses émotions. On a presque l'impression de courir aux côté de Patte de jaguar (le nom du héros...oui je sais c'est ridicule, mais bon si on réfléchit bien, Régis cela doit aussi paraître ridicule pour des azéris!), alors que les formidables scènes de course du Dernier des Mohicans nous font bien plus envisager les éléments environnant les acteurs et leurs actions. Mel Gibson réduit ainsi l'espace, n'en déplaise à la petite "Génésis", pour littéralement enfermer ses acteurs et mieux saisir leurs émotions primâles.

A propos de d'émotions primaires, le scénario l'est aussi. Toutefois ce n'est pas un reproche puisqu'il nous tient en haleine tout au long de ces deux heures, même si l'on ne peut que regrêter sa prévisibilité. En bref on ne s'ennui pas, ou presque, et nous verrons pourquoi par la suite. On le sais depuis longtemps, un bon scénario ne fait pas forcément un grand film, aussi Father Mel nous a pondu une histoire digne d'un comte pour enfant. Le gentils sauvage se retrouve séparé de sa famille et il doit tout faire pour la retrouver, surpasser ses peurs et croire en lui... . Il se trouve que cette simplicité avouée et revendiquée est une des forces indéniable du film, même si l'on ne s'en rend pas compte de suite, elle contribue à renforcer une certaine animalité qui transpire des images, en quelques mots elle renforce l'image de proximité avec la nature hostile et sauvage.

Enfin pour terminer on peut parler un peu du message du film, du leitmotif apparant (nous parlerons des messages "subliminaux après). C'est bien connu, les grands films sont tous construit autour de messages universels, audibles de tous. Ici, c'est la transmission père-fils qui est le fil conducteur, on pense de suite aux thèmes fordiens de la famille... . Aussi assiste-t-on à plusieurs passages de témoins, qu'il s'agissent des "gentils" ou des "méchants", passages sacralisés, houleux, qui donnent tous le signal du début d'une nouvelle séquence, d'une nouvelle action, d'une nouvelle quête, d'une nouvelle histoire. C'est ce qui rythme le film, un film qui fonctionne bien et qui sans que l'on s'en rende compte, reprend de grandes ficèles Hoolywodiennes. Il faut juste préciser à ce sujet toute l'influence qu'à eu sur Mel Gibson son père, un fondamentaliste catho, qui dit-on, est également son père spirituel...mouai!

 


Bon, voilà le côté positif, parlons de ce qui fâche à présent.


Certes c'est un grand film du point de vue technique pouvons-nous dire. Mais enfin! Non le Tiralleur n'a pas été révolté par les passages sanguinaires du film. Il existent, mais ils sont assez bien justifiés, même nécessaire voire attendus, et tous le buzz médiatique peroré à ce sujet n'est qu'un immense coup de pub . On est autrement plus choqué quand l'on assiste au ¼ d'heure choc de Irréversible (ceux qui l'ont vu comprendront). Non Mel Gibson n'abuse pas de la violence, par contre il est indéniable que c'est une de ces obcessions visuelle...mais aussi métaphysique.


Et c'est là que l'on peut se sentir réelement mal à l'aise lors de la projection d'Apocalypto. Tout d'abord, l'utilisation répétées de voix lancinantes à des moments clés mettent en lumière la partie obscure du film. Ceci serait tout à fait louable puisque cela amène une dose mystique au film. Cependant on est tenté de se rappeler certains passages similaires de La Passion (film sans grand intêret). C'est ainsi que le film change alors d'apparence, les messages qui y sont délivrés évoluent, on est alors forcé d'envisager cette "oeuvre" sous un autre angle. En effet ces voies lancinantes, ces chants inquiétants ajoutés aux regards de ces enfants, de ces femmes riants aux éclats devant les sacrifices humains, nous apparaissent dès lors sous un autre aspect, un aspect qui n'est plus humain, mais bien plus proche d'une apparence démoniaque, sentiment renforcé par les parures exotiques, les scarifications et les peintures rituelles des Mayas.

 


De plus, cette impression nauséabonde, apparaît en même temps que l'on découvre la grande cité Maya. Comment ne pas voir dès lors en cette représentation de la ville Maya, de ce peuple fratricide idôlatrant des Dieux sanguinaires, une réprésentation infernale ! C'est là que l'image de la civilisation Maya dépeinte par le prophète Mel peut être critiquable, c'est un image très négative, et si l'on joint à tous cela un titre aussi grandiloquant qu'Apocalypto !!!


Car c'est bien là que réside le fond du problème. On pourrait croire que les sentiments évoqués çi-dessus ne sont que les divagations du Tirailleur, cependant le titre ne trompe pas : "un nouveau départ". Oui mais ce nouveau départ doit nécessairement passer par un "grand netoyage" qui se traduit dans le film à la fois par les sacrifices, mais aussi par la peinture du peuple Maya, un peuple en proie à divers mots (mauvaises récoltes, famine, maladies, guerres, esclavage...) dont on se demande à un moment si ils ne sont pas une punition divine, on s'attends même à ce qu'il s'abatte une pluie de criquet! D'autre part on gardera en mémoire le passage (très très fort mais sournois) de la petite fille atteinte par un mal mystérieux et contagieux, qui se révêle tout à coup à nos yeux et à ceux des protagonistes, comme un oiseaux de mauvais augure en prédisant un avenir sanglant aux mécréants. Cette figure nous fait instantanément penser à ces demi-fous qui prédisaient l'Apocalypse au Moyen Age, et donc à toute la symbolique chrétienne relative à ce que l'on appelle "l'enlèvement du voile, la Révélation" de Saint Jean. Mais alors à qui s'adresse ce film ? Quel est son véritable objet ?


Il se dégage ainsi vraiment de ce film une impression bizare. Ce combat manichéen entre le bien et le mal qui transpire à l'écran comme du titre de l'affiche est à la fois simpliste et complexe. Si on s'arrête alors exclusivement sur la première et la dernière scène, on trouve peut-être une partie des réponses à nos questions. Le spectateur rentre dans le film avec les images d'harmonie avec la nature, d'insousciance qui caractérisait la tribue du héros Patte de Jaguar : c'est une sorte de Paradis, ou au moins de Jardin d'Eden, personne à part le héros ne s'y pose de questions sur le monde allentour. Il en sort avec l'image de la fin d'un monde rongé de l'intérieur par les vices, la cupidité et l'ignorance, le passage de témoin étant symbolisé par l'arrivée de conquistadors, toutes croix dehors... . "Le monde est en train de changer" nous dit alors Patte de Jaguar, avant de fuir avec sa famille. Comment interprêter ces dialogues ??? Les conquistadors sont-ils vus comme les cavaliers de l'Apocalypse ? Ou bien au contraire symbolisent-ils les apôtres et et les saint venus préparer les hommes à la moisson des âmes qui approche ??? Sur ce plan là le film est assez ambigüe, on peut trouver des arguments contradictoires aux deux thèses.


Toutefois, un film est le produit de son temps, et Mel Gibson ne comptait pas seulement délivrer un message mystique sur le peuple Maya, mais plutôt continuer la mission évangélisatrice que La Passion avait sucité en lui. Aussi, si ce film est une (dangeureuse) parabole sur l'état de notre civilisation, là on peut s'inquiéter sérieusement pour la santé mentale de Mel. Pourquoi, pas parce qu'il montre les côtés négatifs d'une humanité livrée à elle-même et qui se comporte de manière bestiale, mais bien plus parce qu'il nous explique que désormais l'extinction de notre civilisation, comme celle des Mayas, est inévitable, et qu'il faut se préparer au jours de la Révelation, que vous soyez mécréant ou bien homme de bonne volonté comme Patte de Jaguar, préparez-vous à la rédemption...par le vide!


http://fr.wikipedia.org/wiki/Apocalypse

http://www.ecranlarge.com/critique-cinema-1141.php

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20/01/2007
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